|
Pour quelles raisons j'ai choisi la
Maison du Maltais, que vient d'éditer la Société des Cinéromans-Films
de France ? Mais parce que le roman de Jean Vignaud m'a paru présenter
une très bonne matière cinématographique. On n'ignore pas les
connaissances profondes qu'a de notre art Jean Vignaud, et il est aisé
de se rendre compte, à la lecture, de tout ce que le romancier doit au
cinématographiste.
Pour qu'un roman se prête à l'adaptation à l'écran, il lui faut non
seulement une action extérieure très marquée, un développement
psychologique, mais aussi un cadre particulier. La Maison du Maltais
présentait toutes ces qualités.
L'action y est très serrée, dramatique, pleine de pittoresque et de
rebondissements. Le lecteur, comme le spectateur, sont sans cesse
enchaînés à son développement et ils ne se libèrent de son emprise
qu'avec la fin.
Le découpage a été fait par l'auteur et par moi-même, et nous nous
sommes constamment trouvés en parfait accord.
Le cinéma avant tout, c'est là son sens propre, "visualise", tout doit
donc être fait dans le but de cette visualisation, et rien de ce qui
l'améliore ne peut être négligé. Le roman, d'ailleurs, possède cette
qualité d'une façon remarquable.
C'est l'histoire d'un Maltais du port de Sfax, qui, soudainement, sous
la révélation brutale de l'amour, est complètement transformé. Pour
donner à la femme qu'il aime tout ce qu'elle peut désirer, l'indolent
devient un travailleur acharné.
Le jour où la femme disparaît, sans qu'il sache ce qu'elle devient,
cette transformation il la fera servir à l'assouvissement de sa
vengeance. Pour retrouver la femme qu'il aime, Matteo deviendra un des
plus grands marchands de perles de Paris.
C'est pour réaliser la première partie et la fin de ce scénario que
j'ai dû me rendre à Sfax. L'accueil que nous avons reçu là-bas dépasse
tout ce que vous pouvez imaginer, et même, dans ce pays lointain, le
cinéma possède des amis ardents et chaleureux, qui ne demandent qu'à le
servir et à le répandre.
Les autorités françaises et tunisiennes nous ont accordé leur plus
large concours et, grâce à elles, bien des difficultés ont été levées
de notre route et sur place nous avons rencontré des collaborations
très précieuses.
Au point de vue cinématographique, le pays offre d'ailleurs, des
ressources inépuisables. Nous ne les soupçonnons pas et combien
différentes suivant les régions !
En chemin de fer ou en auto, nous avons parcouru la plus grande partie
de la Tunisie. Je ne me souviens pas être passé indifférent en un point
quelconque.
Partout l'œil et l'esprit sont sollicités par des paysages typiques,
pittoresques, que l'on voudrait enregistrer. Lorsque je me suis trouvé
à Sfax et dans sa région, je n'ai été gêné que par l'embarras du choix.
Mais je me suis efforcé de maintenir ce choix dans le cadre décrit par
l'auteur et qu'il connaît si bien.
La maison du Maltais? Mais je n'ai pas eu de peine à la découvrir, et
son aspect curieux et inquiétant à la fois m'a séduit en arrivant. Les
quartiers de Sfax dont parle le romancier, mais je les ai retrouvés
sans guide, et je me suis efforcé de traduire par l'image animée leur
caractère si personnel, toute leur atmosphère et leur vie.
Quant au port, ce fut pour nous tous une révélation. Certes, nous avons
tous dans le champ de notre souvenir des impressions diverses de ports
; ports bretons, si différents des ports méditerranéens ou de ceux de
la côte africaine, mais jamais je n'ai subi l'impression qui
m'assaillit, lorsqu'un matin, sous un soleil éclatant et écrasant, je
me trouvais devant cette chose nouvelle pour moi qu'est le port de Sfax.
Quelle magie de lumière et de pittoresque l
C'était bien là que devait vivre mon Matteo, il était bien le fils de
ce milieu disparate, carrefour du monde oriental et occidental où se
rencontrent, en un mélange indescriptible, les races les plus diverses.
Il ne restait plus qu'à travailler activement, ce que nous fîmes, grâce
à l'appui des autorités et aussi grâce à une nombreuse figuration
indigène que je recrutais chaque
matin.
|