La Compagnie des phosphates 
et du chemin de fer de Gafsa
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 La gare et les installations ferroviaires



L’extraction des phosphates ne se faisant pas à Sfax, nous ne parlerons ici que de la partie chemin de fer. Dans cette ville, les bureaux centraux et ceux de la direction du chemin de fer, de la " Compagnie des phosphates et du chemin de fer de Gafsa "que, vous comprendrez aisément pourquoi, les Sfaxiens appelaient " Le Sfax-Gafsa " (S.G.), se trouvaient dans un superbe bâtiment construit sur l’avenue de Paris (Jules-Gau par la suite), près de la gare. Cette dernière, établie en bord de mer, avait des voies allant jusqu’aux quais du port. Les wagons pleins de phosphate étaient déchargés dans - ou le long - des hangars des embarquements.





L'usine électrique installée sur la zone ferroviaire, 
devait aussi alimenter  les nouvelles machines permettant
 le chargement des phosphates.
(CAP Ed. Barnier - Coll. Ch. Attard) 




Une fois construit en 1898 le bâtiment de la gare proprement dite, le quai d’accueil des trains de voyageurs en provenance du sud, perpendiculaire à l’avenue de Paris (puis Jules-Gau), marquait le début de la zone ferroviaire du S.G. qui s’étendait jusqu’à la mer. Quand la ligne de la C.F.T. atteignit Sfax en 1911, il fallut alors réserver à cette compagnie, une zone ferroviaire dont la surface alla en augmentant, côté ville, sur l’emplacement de l’ancien hôpital militaire (voir plan de 1916) quand ce dernier fut démoli en 1934. En arrivant de Moulinville, si du passage à niveau coupant la route de Moulinville, l’on regardait l’ensemble des installations ferroviaires, la partie C.F.T. était à droite, et celle du S.G. à gauche. Il en résultait que, la gare de Sfax étant en cul de sac (elle le resta jusqu’en 1996), la voie pour le sud et celle pour le nord se croisaient un peu avant ce passage à niveau. Les voyageurs venant de Tunis, ou y allant, descendaient des wagons, ou y montaient, à partir de quais, parallèles à celui du S.G. et se terminant au niveau du mur nord du bâtiment de la gare.







 Le matériel roulant



Jusqu’au tout début des années 1950, les trains de marchandises étaient tractés par des locomotives à vapeur avec tender, dont la puissance était allée en croissant. Si en 1899, première année de l’exploitation, seulement 400 tonnes de phosphate étaient acheminées chaque jour (soit 146.000 tonnes/an) avec le matériel existant, dès 1925 les plus rapides, des « 150 »  tractaient aisément 60 wagons pour 1 500 t de charge. En 1927 le tonnage total transporté était de 3 151 328 t.





Sur la rotonde du dépôt vers 1925-30, la "Gourbaye".
(Photo A.Perrin, extraite de :
" Le réseau de la Cie des phosphates et du chemin de fer de Gafsa")




Dans une revue éditée en 1900 à Tunis, on trouve la liste du matériel roulant utilisé lors de la mise en service de la ligne reliant Sfax à Metlaoui :
12 locomotives ; 1 voiture-salon à bogies ; 1 voiture de service ; 5 voitures mixtes 1ère et 2e classes à 5 compartiments ; 5 voitures de 3e classe à 5 compartiments ; 6 fourgons à bagages ; 6 wagons couverts ; 12 plateformes ; 2 wagons-citernes de 10 m3 ; 4 wagons-citernes de 15 m3 et 120 wagons à phosphate de 20 tonnes. Au-dessous de cette liste figure une photo intitulée locomotive du chemin de fer de Sfax à Gafsa (la locomotive en question étant identique à celle de la photo ci-dessus).
Il est précisé que ces locomotives, du type « 130 », pesaient 30 tonnes à vide et 32.902 Kg en service. Leur tender pesait 8.750 Kg à vide et 20.750 Kg à plein chargement d’eau et de charbon. La remise en service de deux d’entre elles une cinquantaine d’années plus tard, montra qu’elles pouvaient encore rendre de bons services.



Les manœuvres en gare étaient assurées par des locomotives sans tender "130" (probablement des Corpet), puis " 040 " Winthertur moins puissantes, dont la faible réserve de charbon était située à l’arrière de la cabine, les cuves à eau étant plaquées de part et d’autre du corps de la locomotive devant la cabine. L’augmentation du trafic à partir de 1946 fut telle que les cheminots du S.G. furent obligés de remettre en service, pour les manœuvres en gare, deux vieilles locomotives " 130 " avec tender, de marque Veuve Corpet (appelées Gourbaye par les mécaniciens tunisiens), qui avaient été mises au rebut avant la guerre. Le long de leur cheminée, relativement haute, courait un tuyau d’où s’échappait, avec une périodicité d’une vingtaine de secondes, un double jet de vapeur. Tous ces engins de traction étaient équipés de freins à air automatiques Westinghouse.





Entre Gafsa et Sfax,  une Corpet achemine le phosphate.
(CPA - ND)




A partir du début des années 1950, tout ce matériel de traction fut alors progressivement remplacé, entre autres, par 17 locomotives BB diesel électrique Alsthom/Sulzer " Outre Mer ", numérotées de 201 à 217. 





La locomotive 201 Alsthom/Sulzer.
photo extraite du site : http://www.derbysulzers.com/tunisia.html#1950%20Sfax




En 1955, les trains de la Compagnie transportèrent environ 3 millions de tonnes de fret et 300 000 passagers. La no 203, photographiée le 28 novembre 1998 dans la zone de rebut, présentait alors un aspect extérieur qui semblait encore relativement intact, à quelques plaques de rouille près.





La locomotive 203 à Sfax en 1998.
Photo Phil Wormald , extraite du site : http://www.derbysulzers.com/tunisia.html#1950%20Sfax




Contrairement aux engins de traction, les wagons non couverts destinés au transport du phosphate, que l’on voyait encore circuler bien après l’indépendance, avaient les mêmes caractéristiques que ceux du début de l’exploitation. De couleur brun, rouge clair, ils avaient trois essieux, et pouvaient transporter, chacun, jusqu’à 18 tonnes de minerai. 
D’autres wagons découverts, à deux essieux seulement, supportaient une charge de 12 tonnes. Certains wagons couverts étaient surmontés d’une cabine où se tenait le cheminot serre-frein, d’autres étaient destinés au service des postes.





On a, sur cette photo, un bon aperçu 
de l'ensemble de ce matériel roulant.
(Photo A.Perrin, extraite de :
" Les mines de la Cie des phosphates de Gafsa. Travaux photographiques.")




La compagnie disposa également, au début des années 1930, de wagons à déchargement latéral automatique, munis de quatre essieux, qui furent essentiellement utilisés dans les zones minières.





(Photo A.Perrin, extraite de :
" Les mines de la Cie des phosphates de Gafsa. Travaux photographiques.")




A chaque bout ils avaient, comme les locomotives, une paire de tampons. Par contre les engins de traction et les wagons de la Compagnie Fermière Tunisienne (C.F.T.) reliant Tunis à Sfax à partir de 1911, n’en possédaient qu’un. 







On pouvait voir des wagons, généralement couverts, du S.G. hybrides, avec un tampon à une extrémité et deux à l’autre. Cela permettait de raccrocher, sans avoir à les décharger, des wagons de marchandises de la C.F.T. venant de Sousse ou Tunis, à des trains en partance pour le Sud.