BULLETIN
Il avait quelque chose de
particulier, d’inimitable, une voix claironnante, cuivrée,
légèrement éraillée, qui signalait de loin sa présence, et dont le
timbre, en son habituelle interrogation " comment qu’çà
va ? " suffisait à rassurer les inquiets et calmer les
souffrants.
Combien êtes-vous, Sfaxiens, Musulmans,
Israélites, Français, Maltais, Grecs, Italiens, qui avez
reçu votre première fessée du spécialiste accoucheur : le
docteur Ceccaldi ?
Combien êtes-vous qui avez dû à ses soins attentifs, attentionnés,
dans votre jeunesse, votre santé d’aujourd’hui ?
On le voyait à toutes les heures,
dans une vieille guimbarde traînée par une haridelle, conduite par un
très vieux cocher qu’il n’a jamais voulu abandonner. A une
proposition d’automobile, il répondit un jour montrant son
" carroussa " : "je ne peux pas leur faire
cela".
Il était quelquefois un peu débraillé, un peu
poussiéreux (il visitait tant de taudis, tant de misères) mais que de
propreté, de probité, dans sa science et son esprit !
Il aimait son art, ses malades, les enfants, comme il aimait, en esprit
érudit toutes les manifestations littéraires, artistiques, musicales.
Rappeler son incommensurable et infatigable
bonté, ce serait presque faire offense à la mémoire de ce grand
socialiste agissant, qui se défendait d’être charitable, et savait
cependant si souvent oublier ses honoraires dès qu’il s’agissait de
gens modestes.
Un accident navrant, conséquence lamentable de l’occupation de Sfax,
lui a coûté la vie. Mais pour tous les Sfaxiens, le
" bon " docteur Ceccaldi est encore vivant dans un
souvenir de profonde, respectueuse, affectueuse reconnaissance.
Signé Valbert (pour Valbert de Ceccatty)