Moulinville
(Après la fin de l’occupation germano-italienne)



Une fois la Tunisie libérée, l’usine " Bermax " reprit ses activités, et tourna à plein régime avec un personnel essentiellement féminin. La confection d’ouvrages tricotés s’amplifia, et ce jusqu’à ce que les laines françaises, de qualité très supérieure, réapparaissent sur le marché tunisien. Seule fonctionna alors la Teinturerie blanchisserie française qui avait été reprise par MM. J. Cannizzo et R. Cordina. Les sérieuses difficultés d’approvisionnement en produits pétroliers qui apparurent en décembre 1947 en génèrent momentanément le fonctionnement, jusqu’à ce que, les arrivages ayant augmenté, liberté fut rendue le 13 janvier 1948 au commerce de l’essence.

La bretelle reliant la voie ferrée de Sfax à Gafsa à celle de Sfax à Tunis en longeant le début de la route de Mahdia, qui avait été mise en place par les troupes de l’Axe pour assurer la rotation des locomotives à vapeur, fut démantelée dès que de nouvelles plaques tournantes furent réinstallées devant les dépôts du Sfax-Gafsa et de la Compagnie fermière tunisienne (CFT). 
Les tranchées creusées dans certains terrains vagues furent rebouchées, ainsi que certaines excavations, après avoir débarrassé ces dernières des obus que l’on pouvait y trouver sous quelques dizaines de centimètres d’eau. 
A part cela l’allure générale de ce quartier ne changea pas trop. Les quelques maisons détruites furent reconstruites, et certaines rues empierrées devinrent goudronnées. Des petits immeubles de 3 à 4 étages apparurent à l’angle des routes de Mahdia et de Sidi-Mansour (14 et 16 du plan), et la nouvelle centrale électrique (thermique) fut construite sur la gauche de la route de Mahdia à la sortie de Sfax. La nouvelle clinique du Dr Meigné s’installa dans un grand bâtiment tout neuf,  en bordure du champ de course, juste avant l’École des sœurs (10 sur le plan).

Après 1945, " la Moulinvilloise " reprit ses activités, organisant chaque année en soirée au stade Ceccaldi un grand bal populaire à l’occasion de la fête nationale. Les réunions préparatoires aux diverses festivités se tenaient à l’école, après les heures de classe.  

La centrale électrique de Sidi-Messaoud;
(Photos Société nord-africaine d'électricité, gaz et eau)

Dès le lendemain de la libération de Sfax, l’édification par la Société nord-africaine d’électricité gaz et eau (SNAE), d’une nouvelle centrale électrique fut entreprise à Sidi-Messaoud, sur la route de Mahdia, mais hors de l’agglomération urbaine, et avec les moyens du bord car la Tunisie était encore coupée de la France toujours occupée.

En 1947, la puissance de la nouvelle centrale de Sfax était de 6 550 ch. (contre 4 500 ch. en 1939). Un deuxième groupe de 2 800 ch. a été mis en place en 1949, portant la puissance de l’usine à 9 400 ch.
Courant 1951 cette société voulut augmenter la puissance électrique fournie en y installant un nouveau moteur diesel de 4000 ch., et en rénovant son réseau afin d’étendre la distribution dans la banlieue de la ville.

Son capital avait été porté de 160 à 250 millions de francs utilisés en grande partie pour l’équipement de la centrale et du réseau. Elle estimait que porter le capital à 300 millions était nécessaire pour réaliser le projet, et que pour ce faire, une prolongation de 27 ans de sa concession lui permettrait d’amortir ce nouveau matériel sans avoir à augmenter le prix du kw. 
Elle faisait remarquer que, d’après les conventions en vigueur, elle n’était tenue de ne fournir que 3 000 kw à l’intérieur du périmètre communal, alors que les installations du moment étaient susceptibles de donner environ 9 000 kw. 
S’il semblait que du point de vue technique et administratif, ce projet ne devait pas soulever de difficultés, c’était sans compter sur les fortes pressions que les éléments nationalistes locaux (notamment des militants du Néo Destour) exercèrent sur les conseillers municipaux tunisiens pour s’opposer à une telle prolongation de la concession. 
En juillet 1951, ces derniers se dérobèrent au vote, et à partir d’octobre 1951, la SNAE refusa de satisfaire toute nouvelle demande d’abonnement, ce qui était très préjudiciable. Elle eut alors à subir une campagne de presse particulièrement virulente de la part des journaux nationalistes. Le 12 décembre 1951, lors de l’examen du projet par le Conseil municipal, le Néo Destour délégua à la réunion une centaine de militants ce qui entraîna la demande, par les conseillers municipaux tunisiens, dont le caïd-gouverneur M. Salah Ben Khelifa, du renvoi de l’examen de l’avenant au 15 janvier 1952. 
Avant cette séance extraordinaire, le contrôleur civil M. Henri Gantes intervint auprès du caïd-gouverneur, président de droit de l’assemblée municipale et dont la voix était prépondérante en cas d’égalité, pour qu’il ne prenne pas part au vote. Le 14, ce dernier reçut une délégation de l’UGTT qui lui remit une motion protestant contre la prolongation de la concession.
Le 15 janvier 1952, à 10 heures, le Conseil municipal au grand complet se réunit. Un conseiller municipal tunisien israélite, installé depuis longtemps à Tunis, avait été enjoint par les Tunisiens de prendre part au vote et de voter comme eux. Le caïd-gouverneur n’ayant pas pris part au vote, qui vit donc l’avenant légalement adopté par 14 voix contre 13, il eut à subir un assaut de critiques de la part des conseillers municipaux tunisiens et des militants nationalistes présents.
Des habitants tunisiens envoyèrent au Résident général une pétition contre cette prolongation de la concession. In fine, le Conseil des ministres tunisien donna le 26 avril 1952, un avis favorable à cet avenant à la convention portant concession, étendue au nouveau périmètre communal, à la SNAE pour la distribution d’énergie électrique à Sfax.