La forêt d'oliviers sfaxienne 
et l'huile d'olive
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Le domaine du "Jujubier" possession de la famille Rendu.
(Photo Régis Rendu)

Les terrains mis à la disposition des " planteurs " par le décret du 8 février 1892 pris à l’initiative de Paul Bourde, aux conditions exceptionnelles de 10 francs l’hectare, étaient les ‘’ terres sialines ‘’ qui appartenaient au Bey de Tunisie après avoir été la propriété, en dotation viagère, de la famille Siala, de 1709 à mars 1871. D’après les on-dit, la concession de la famille Siala s’étendait d’El Louza au nord de Sfax jusqu’à l’oued Akarit au sud, soit sur 150 km de côtes maritimes.

La plupart des colons s’associèrent à des Sfaxiens, habitués à la culture sèche, par le contrat de la ‘’Mogharsa’’. 
Le paysan ‘’mogharsi’’ défriche et plante le terrain qui lui a été confié par le propriétaire. Ce dernier se charge de rendre les lots viables, ce qui n’était pas toujours facile, et faisait une avance au ‘’mogharsi’’, (hors contrat pour ne pas enfreindre les lois musulmanes) pour l’achat de matériel agricole. Le ‘’mogharsi’’ avait à charge de planter les oliviers (des ‘’éclats de souche’’) donnés par le propriétaire, de les soigner pour les amener à l’état de fructification. Cette dernière n’arrivant pas avant une quinzaine d’années, le ‘’mogharsi’’ pouvait semer des céréales entre les oliviers qui étaient espacés de 24 mètres en tous sens. Une telle disposition permet aux racines de s’étaler largement sans se croiser et de puiser l’eau sur une grande surface allant en s’étendant au fur et à mesure que l’arbre pousse.

Les bâtisses du domaine du "Jujubier".
(Photo Régis Rendu)

En 1914, les superficies concédées portaient sur 155 421 hectares dont 108 000 à des Français, 45 000 à des Tunisiens et 1 493 à des étrangers. Il est à remarquer que peu de ‘’gérants’’ recrutés en France se fixèrent définitivement sur ces lots du sud tunisien, dont la superficie pouvait atteindre jusqu’à 10 000 hectares.

L’application en grand du contrat de la ‘’Mogharsa’’ s’est traduite par une multiplication de la propriété indigène. C’est ainsi qu’en 1930 la cinquantaine de colons, presque tous français, ne possédaient que le 1/7 des 7 millions d’oliviers recensés en Tunisie. 

En 1956, lors de l’indépendance de la Tunisie, 92% de la forêt sfaxienne, forte de 5 160 000 pieds, étaient détenus par des propriétaires tunisiens.

Ensemble des bâtiments de la portion centrale du domaine du Chahal.
 
Photo A.Perrin, extraite de :
" Le réseau de la compagnie des phosphates et du chemin de fer de Gafsa"

Cette forêt s’étendait entre La Hencha au nord, et l’important domaine du Chahal appartenant alors à la Compagnie du Sfax-Gafsa (ex-propriété Boucher) qui, partant de Mahares, se terminait 15 km plus au Sud, soit à 50 kilomètres de Sfax. Vers l’ouest, la limite de la forêt se trouvait à Bou Thadi, soit à 74 km de Sfax.
On pouvait en juger en allant au point géodésique de " Touïlet ech Cheridi ", à 17 km de la ville sur la route de Triaga, ou au minaret belvédère de " Bogaâ el Beyda ", à 120 m d’altitude, et à 17 km sur la route de Gremda.