Comment vivait-on à Sfax ?
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Les Européens 

(Photo famille Attard)

Les Français

On distinguait deux sortes de Français :
 
1) ceux nés en Tunisie de souche ancienne, qu’ils aient eu la nationalité française par filiation, ou qu’ils l’aient obtenue par naturalisation : ce fut par exemple le cas des Maltais (initialement sujets britanniques) qui, par décret du 8 novembre 1921, devinrent français ainsi que leurs enfants, nés ou à naître en Tunisie ; puis des Grecs et de quelques Italiens, suite à la loi du 20 décembre 1923 ; et enfin de la grande majorité des Italiens au terme de la Seconde Guerre mondiale. Tous étaient initiés aux us et coutumes locaux.

2) les Français de France (ou franquaouis comme les appelaient les premiers) qui arrivaient de leur France natale. Ceux de la première catégorie, les trouvant très imbus de leur science, pensaient qu’il était de leur devoir de leur ouvrir les yeux aux subtilités du microcosme sfaxien pour qu’ils soient estimés dignes de vivre au diapason des initiés. Pour un couple, ou un célibataire (fonctionnaire ou militaire) pouvant constituer un bon parti pour les filles à marier, cela se passait sans problèmes majeurs. Mais il est arrivé que de jeunes enseignantes célibataires venant de la Métropole, aient eu un accueil peu chaleureux à cause du machisme ambiant, et de la jalousie des femmes qui en découlait.
Dans ces franquaouis on trouvait beaucoup de fonctionnaires, dont des enseignants qui avaient trois mois de congé l’été. Tous, touchant le " tiers colonial " en plus de leur salaire, avaient le voyage vers la France, payé une année sur deux. Les mauvaises langues disaient, qu’à côté de leurs soucis professionnels, ils avaient celui lié à leur transport vers la Métropole qui passait pour être primordial. C’est qu’il fallait s’y prendre longtemps à l’avance pour s’assurer d’une couchette sur le bateau, ou d’une place dans l’avion à partir de 1947.

(Photo famille Attard)


(Photo Stamatis Calafatis)

Les Grecs

La communauté grecque n’était pas homogène. Il y avait des négociants et aussi des scaphandriers pêcheurs. Tous étaient entreprenants. Ils passaient, du moins jusqu’au début des années 1920, pour être fermés, jaloux d’eux-mêmes et soucieux de ne pas se mêler aux autres  (arabes, juifs, italiens ou maltais). Quoique taciturnes, ils savaient faire front dans le silence et la patience. Toutes ces particularités allèrent cependant en s’atténuant suite à leur naturalisation, et surtout après la fin de la Seconde Guerre mondiale. De nombreux grecs tenaient alors commerce dans la ville européenne, d’autres y exerçaient des professions libérales, et certains étaient même professeurs dans les établissements d’enseignement public.


Les Italiens

Les siciliennes, dont les maris étaient souvent pêcheurs ou maçons, étaient assez fréquemment tout de noir vêtues. Cela ne les empêchait pas de s’adonner souvent à des querelles à haute voix dans la rue, car il leur fallait du public. Dans cette communauté peu aisée, avec souvent des familles nombreuses, les enfants avaient la possibilité de fréquenter l’école italienne de la rue Massicault si leurs parents le désiraient, 
Pour l’accomplissement du devoir pascal en 1928, les garçons et les filles des écoles italiennes, conduits par leurs maîtres et maîtresses, défilèrent en rangs impeccables dans les rues de la ville.
Cependant peu d'entre eux, surtout pendant le premier quart du XXe siècle, avaient la possibilité matérielle d’accéder aux études secondaires dans les divers collèges de la ville. Ce ne fut plus le cas après 1944.


Les familles Montebello et Gili, maltais de Sfax.
(Photo Coll. Ch. Attard)

Les Maltais

Avant la guerre de 1939-45, être maltais était synonyme de chrétien irréprochable. L’église, à laquelle ils étaient très attachés, et où se passaient tous les évènements essentiels de leur vie de chrétiens, était le domaine des femmes qui, par ailleurs vivaient en recluses, férocement jalouses vis-à-vis de leur mari et de celles qui se maquillaient ou portaient des toilettes voyantes. Acquérant la culture française à l’école, et en prenant en grand nombre la nationalité française à partir de 1921, les Maltais s’ouvrirent les portes de l’administration et de la Compagnie du Sfax-Gafsa.