Picville -2-

Le cimetière européen de Picville - on y distingue stèles et statues
(Détail CPA ND photo n° 103 - Coll. G. Bacquet)

Le quartier de Picville abritait le vieux cimetière européen, les abattoirs [11], l’usine de l’Air liquide et sa frigorifique [12], l’Huilerie franco-tunisienne [13], la Gendarmerie nationale [14] après qu’elle eut quitté ses locaux initiaux de Moulinville devenus trop exigus, et l’usine électrique de la Société nord -africaine d’électricité de Sfax dont la concession lui avait été attribuée le 1er novembre 1922 pour 50 ans. 

Picville en 1912 entre pauvreté et espérance.
(Détail de la CPA Ed. Chabert n°7- Coll. G. Bacquet)

Celle-ci était une centrale diesel créée en 1923 et dont la puissance passa progressivement de 300 ch. à 4500 ch. pour assurer une pointe d’environ 1500 kw en 1939. Le nouveau groupe de 2800 ch. prévu à cette date ne fut pas réalisé pour cause de conflit mondial. Entre 1940 et 1942 les moteurs diesel, faute du carburant approprié, furent transformés pour marcher au gaz pauvre fourni par une batterie de gazogènes permettant d’alimenter 1000 ch.

On y trouvait aussi quatre écoles : l’école coranique, l’école franco-arabe, et les écoles (filles et garçons) Amédée-Gasquet. Sur une photographie de l’école maternelle prise entre 1907 et 1914, on aperçoit à droite la directrice Madame veuve Ferrier, et à gauche son adjointe Mademoiselle Angelo qui, après son mariage s’appellera Madame Pace.
La famille Zeitoun y avait aussi une synagogue.

Picville en 1912. 
(Autre détail de la CPA Ed. Chabert n°7- Coll. G. Bacquet)

Au-delà de l’oued Sidi Khalifa, sur une bande de terrain attenante à la route de Knefes et acquise en 1892, la cité de Gautheronville [15] prit son essor en 1896. Elle fut édifiée par M. Gautheron, mécanicien de marine à la Compagnie générale transatlantique qui fut affecté au remorqueur " Marie-Jeanne " faisant le service de la rade avant la création du port. On y trouvait de nombreuses constructions : maisons et villas avec jardins, hangars. Cela lui donnait l’aspect d’un gros bourg de France. D’après un article de " La Dépêche sfaxienne " d’octobre 1898 consacré au décès de M. Gautheron, ce dernier avait créé ce village tout seul malgré les sourires moqueurs de beaucoup, et la jalousie de quelques autres. Entre Gautheronville et la route de Gabès, se créa ultérieurement la Cité Standaert [16] ayant à peu près le même type d’habitat.

Se basant sur un document, envoyé à la municipalité par le comité de quartier, qui faisait état de la présence de 1201 habitants à Picville lors du recensement de 1906 (soit 20% des européens de Sfax), la Dépêche sfaxienne du 26 septembre 1907, reprenait les protestations des habitants dudit quartier concernant son état sanitaire. Il en ressortait que, malgré les décisions du conseil municipal, les ordures s’accumulaient au coin de ce qui servait de rues, que des flaques d’eau croupissaient au ras des portes, tout ceci étant source de nombreuses maladies. Il y était aussi dit que le cantonnier assermenté et l’agent de police, qui auraient dû habiter sur place, n’y passaient en fait qu’une fois par semaine.

Il paraissait donc que ce quartier, longtemps délaissé par la municipalité peut-être parce que sa population était essentiellement constituée de Maltais et de Siciliens, était considéré comme étant demeuré le paria aux portes de la ville.

L’état sanitaire de Picville fut encore dénoncé dans un rapport de 1917, où il était signalé que le cimetière européen qui y avait été ouvert en 1902, contenait dans son sous sol une nappe d’eau salée retardant la décomposition des corps, et qu’il semblait nécessaire d’en créer un autre. Le problème ne fut réglé qu’après 1932 avec la construction de celui de la route de Gabès aux portes de la ville.

Avec la création de la société "La Picvilloise " le 5 mars 1931, et qui fut agréée par le Gouvernement de la Régence le 2 mai de la même année, eurent lieu de nombreuses fêtes plus ou moins bien suivies par la population. M. Léon Seguin fut le président fondateur de cette association, les vice-présidents en étant MM. Mahlouf Zeitoun et H. Chalines. Ses statuts furent modifiés lors de l’assemblée générale du 6 novembre 1936. La commission des fêtes était entre les mains de M. Kléber Mazeas.

Le dispensaire de "La goutte de lait".

Chaque année, à partir de 1931, avait lieu le jour de l’Ascension, le concours des plus beaux bébés où l’on trouvait 160 à 200 candidats de un à 24 mois présentés par leurs géniteurs. Mme Louvel, présidente de " La Goutte de lait Lucien-Saint ", dont les locaux étaient à l’angle du collège technique côté église grecque, officiait à la tête du jury de ce concours. 
Par la suite " La Picvilloise " initia des actions de bienfaisance, rôle qui alla croissant. Il y eut ainsi des ventes de fleurettes tricolores les 14 Juillet dont les produits permirent d’acheter des tabliers noirs pour les enfants nécessiteux des écoles. Du pain fut aussi distribué aux cantines scolaires.