L'insurrection

Le gouvernement français, considérant la Tunisie comme un prolongement de l’Algérie, y avait fait construire en 1876 un réseau de chemin de fer sous sa garantie. 
Le consul général Roustan, arrivé en Tunisie en 1873, signala les intrigues du consul anglais Wood, et surtout les ambitions italiennes. 

Richard Wood,
Consul d'Angleterre à Tunis de 1855 à 1879

Théodore Roustan,
Consul de France à Tunis, puis ministre résident de 1874 à 1882

Licurgo Maccio,
Consul d'Italie à Tunis de 1878 à 1881

En fait, l’Angleterre fit savoir qu’elle n’avait pas d’intérêts spéciaux dans cette contrée, mais qu’elle ignorait quelle pourrait être l’attitude de l’Italie. Par contre, Bismarck au nom de l’Allemagne, ne s’opposait pas aux visées de la France. 
En 1880, grâce à Maccio, son consul en Tunisie, l’Italien Rubattino acquit le chemin de fer de Tunis à La Goulette.

Jules FERRY

Un guerrier khroumir

Des combattants français

Le gouvernement français tergiversa, mais en février et en avril 1881 Jules Ferry se décida à agir prétextant l’incursion en Algérie, en février et surtout fin mars 1881, de tribus khroumirs insoumises de la Régence de Tunis. 
Trois divisions franchirent la frontière algéro-tunisienne en avril, et le 3 mai une armée, préparée dans le plus grand secret, débarqua à Bizerte, car la situation restait critique, l’Italie et la Turquie faisant des préparatifs.

Le général Bréart, arrivé aux portes de Tunis, obtint par l’intermédiaire de Roustan, une entrevue avec le bey et lui fit signer le 12 mai 1881 un traité par lequel la France garantissait l’intégrité du territoire et obtenait le droit d’occupation pour assurer l’ordre intérieur. Ce traité fut approuvé par la Chambre des députés par 430 voix contre une (celle de Clémenceau).

Le Consul Roustan présente le Général Bréart au Bey.

A la veille des élections générales, Jules Ferry rappela la plus grande partie des troupes françaises en Tunisie, ce qui entraîna des insurrections dans le centre, et surtout à Sfax, forçant la France à intervenir de nouveau. 

Refusant ce traité du Bardo (signé en fait à Kassar Saïd) du 12 mai 1881 établissant le Protectorat français en Tunisie, des tribus se réunirent à l'instigation de sectes religieuses tripolitaines qui leur disaient que les troupes turques allaient venir à leur aide. Malgré une tranquillité apparente, leur idée de rébellion se propagea tant et si bien que les habitants de Sfax furent amenés, contraints et forcés, à se ranger aux côtés des rebelles.

Marabouts prêchant la guerre sainte.
(
Gravure parue dans le journal "L'illustration" n°2016 du 15 octobre 1881 - Coll. G. Bacquet)

Le 28 juin le signal de la révolte fut donné par le commandant de la place, Mohamed Chérif, poussé par Ali ben Kalifa, grand meneur de toute l’affaire, les plus fanatiques se répandirent dans les rues en prêchant la guerre sainte contre les infidèles. Prévenus par des autochtones, les Européens du quartier Franc fuirent en prenant place dans des embarcations.

Grâce aux efforts du gouverneur Hassouna Djellouli, un massacre de tous les Européens fut évité.

Le dernier à embarquer fut l’agent consulaire français M. Jean Mattei. Selon certaines sources, il aurait eu le bras droit cassé en essayant de parer un coup de bâton asséné par un indigène, ce qui est contesté par d’autres. Tous les Européens qui avaient fui, ainsi que le gouverneur Djellouli expulsé par des notables sfaxiens, furent accueillis sur des navires en rade. Quoi qu’il en soit, c’est ce qui entraîna la France à faire intervenir les 1ère et 2e escadres de la Méditerranée, commandées respectivement par le contre-amiral Martin, et le vice-amiral Henri Garnault commandant en chef à bord du cuirassé "Colbert". Cette flotte, forte de:

  • 6 cuirassés, dont le "Marengo" à bord duquel se trouvait l'enseigne de vaisseau Emile Guepratte (qui s'illustra plus tard lors de la bataille des Dardanelles) et "l'Alma" commandé par l'amiral Paul-Emile Miot.

  • 3 corvettes cuirassées
  • 4 canonnières
  • 1 éclaireur d'escadre
  • et 2 grands transports, 

disposait d'un armement autrement plus performant que celui constitué par les 62 canons, se chargeant par la gueule, reposant sur des affûts en bois et tirant des boulets, qui se trouvaient répartis sur les diverses batteries défendant la ville.
La faible portée de ces derniers ne leur permettait pas d'atteindre les plus petits navires, les canonnières mouillées à 2 200 m, et, a fortiori, les cuirassés mouillés à 6 500 m, leur tirant d'eau ne leur autorisant pas de s'approcher plus près de la côte.

Position des navires de l'escadre lors de l'attaque de Sfax.
(
Gravure de M. X. Capitaine de vaisseau - E. Morieu  Sc. - Coll. G. Msihid)